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DESICOBRA


DESICOBRA

Ben – Drums
Francine – Keyboard
Aurélie – Bass

Chronique piquée honteusement chez Nextclues :

« Marre des synthés ? Plein le cul de la musique instrumentale pour B-movies qui, fort heureusement, ne seront jamais filmées ? Ras la casquette des noms en Cobra* ? Dépité par la prolifération de side-projects et autres rassemblements d’ex-membres d’obscurs combos dont personne n’a jamais voulu ? Désabusé des groupes qui sont désormais de plus en plus nombreux à attaquer la Noise par son versant joyeux alors que, comment se fait-il qu’il faille sans cesse le rappeler, l’Art du bruit (ou l’Art tout court) est une discipline réservée a ceux qui ont le ventre noué et le cerveau troué ? Dubitatif quant à la pertinence du revival prog-rock au XXIème siècle ? Ecœuré à vie par les coups fourrés au kitsch ? Je te comprends, je suis exactement dans le même cas que toi.

Je viens pourtant de découvrir que la meilleure façon de combattre cette multilassitude pourrait bien être l’absorption répétée du premier disque de ce trio parisien qui, très rigoureusement, accumule ces tares une à une. N’importe quel descriptif de Desicobra donnerait la gerbe, alors que, mystérieusement, c’est l’effet inverse qui se produit à l’écoute de Live à Bombay** : plus on y goûte, plus on en redemande. Je ne sais pas comment ils s’y prennent, ces gens qui se font appeler Desicobra, pour nous faire avaler une couleuvre d’une telle taille, mais peut-être que les indices, ces nextclues que nous aimons tant examiner sous toutes les coutures – quitte à les inventer -, se trouvent dans les six titres ruisselants qui composent ce 10’’ à la splendide pochette signée Pierre-Guilhem et sérigraphiée au Dernier Cri. Pas dans les compos, dans les noms de morceaux en eux-mêmes :

  • Chimie. Ou plutôt alchimie. Parce que de façon évidente, il y a quelque chose qui se passe lorsque ces trois individus se retrouvent coincés dans une même pièce. Ils savent s’écouter, jouer ensemble, se compléter, se soutenir, s’additionner, se lancer des piques, ouvrir des brèches pour que les autres s’y engouffrent. La complicité, c’est effectivement la moindre des choses lorsque l’on décide de faire de la musique ensemble, mais ce qui est surtout étonnant ici, c’est l’étrange interaction entre des instruments qui n’étaient a priori pas destinés à se marier. Ils sont très distincts, de par leur sonorité naturelle et de par les directions choisies, chacun pouvant à chaque instant planter les deux autres pour aller prendre l’air, et pourtant ils se retrouvent toujours au plus vite, pour une belle communion qui donne à l’ensemble son côté 70’s. Non pas que l’on ait affaire à un groupe verbeux qui use et abuse des sempiternelles sessions de questions/réponses pour donner du liant à sa sauce imbuvable, c’est juste que ce threesome avance comme un improbable tripède qui, alors qu’en suivant les règles basiques de l’anatomie devrait se casser la gueule à chaque pas, court le 110 mètres haies en un temps record. Tout en se goinfrant de loukoums parfumés au patchouli, un sourire de satisfaction en coin. Je comprends pas exactement comment ça fonctionne, mais la seule chose qui compte, c’est qu’effectivement, ça fonctionne sans effort : le clavier s’occupe le plus souvent des mélodies, la batterie sert de propulseur, et la basse, de bâton – j’ai pas dit basse-bâton, c’est une vraie basse, qui fait mal comme les coups de bâtons dans les tibias. Le reste tient du miracle.
  • Pompier. J’ai déjà dit kitsch, et il est vrai que certains passages de Live à Bombay mériteront de se faire traiter de la sorte. Pompiers, mais pas pompeux. Cette fois-ci, le clavier est le seul responsable de ces enjolivures rococo qui frustreront les frustrés et qui feront débander les mauvais coucheurs. Avec Desicobra, il ne faudra donc pas avoir peur des cascades de notes pour des ambiances à la John Carpenter, à peu près aussi terrifiantes que l’orgue de la famille Addams. Ces dix doigts filiformes ont très certainement appris à se délier en suivant à la lettre des partitions de Ray Manzarek, mais la force principale de ce clavier est qu’il ne se contente pas de réciter ses gammes et de bloquer sur une approche précise et définitive – comme c’est actuellement le cas pour une grande majorité des groupes à synthés qui ne voient pas plus loin qu’une seule forme d’utilisation (tournant autour de trois vulgaires couinements). Des possibilités, il y en a en pagaille, et Desicobra ne se prive pas d’en proposer un certain nombre. Après le déluge d’arpèges, ce même clavier sert de base rythmique, remplaçant une basse qui peut maintenant aller voir ailleurs, ou, et c’est là ce que je préfère, se met en mode acide, pour des plans hallucinatoires qui ne seront pas sans rappeler les incartades de ce bon vieux Dave Greenfield des Stranglers. They turned the day into night, Black & White becomes. Plus loin, c’est l’effet inverse qui déboule, et au lieu des dégoulinures interminables de notes, on se retrouve avec une seule, répétée jusqu’au décrochage de ciboulot.
  • Silver. Comme Silver Apples, possiblement une autre influence, surtout pour les quelques oscillations.
  • Weston. Comme Bob. Même si Desicobra n’a strictement rien à voir avec Shellac, on retrouve le même souhait de maintenir la basse en avant et de la faire claquer. Cette basse est un régal de chaque instant. Dans un même morceau, elle peut se coller à la batterie pour solidifier le groove, compléter les mélodies du clavier ou prendre les devants et conduire l’ensemble. Un vrai boulot de chef.
  • Diddley. Comme Bo. Pour ces fameux rythmes qui font remuer du bassin. Jamais en reste, le batteur nous fait traverser une féria (de Nîmes) les yeux bandés ou se lance dans une cavalcade dont on ne réchappe pas. Tantôt rigide sur des beats post-punk, tantôt souple sur des roulements qui réchauffent l’atmosphère, toujours inventif et sur le qui-vive, l’homme aux baguettes confirme qu’avec Desicobra on n’est jamais amené à s’emmerder, tellement les parties sont variées, tellement les filons sont bien exploités. Tellement la musique est en perpétuel mouvement.
  • Ta bouche immense. Parce que ce Desicobra a définitivement de la gueule et que quand il l’ouvre, c’est toujours pour proposer une nouvelle idée. Ce dernier morceau tombe à point nommé, comme pour prouver que si l’on croyait avoir cerné Desi(charmeur de)cobra lors des cinq premiers, on pouvait se rhabiller. Le clavier s’immobilise comme un téléphone qui sonne occupé – pour un plan qui me rappelle étrangement l’intro de guitare du tube intergalactique de Servotron, People Mover -, on pense que l’on est bon pour une longue plage krautrock qui ne va pas se priver de titiller Neu!, et au moment où on commence à subir les effets de l’hypnose, on se fait embarquer pour une course-poursuite démoniaque. On dévale les escaliers et paf ! c’est terminé.

À l’intérieur de la pochette, on trouve un insert de paroles (en français), ce qui est plutôt inattendu de la part d’un groupe instrumental. On se souviendra alors que pour la première démo, un chanteur répondant au nom de John Toad faisait le crapaud avec Desicobra, que son absence n’est ici aucunement regrettable, mais qu’il ne sera pas non plus interdit d’imaginer son propre chant sur cette musique instrumentale. Il suffira d’aller sur bandcamp ou sur le site de Et mon cul c’est du tofu pour télécharger les six titres, de foutre le tout sur Audacity et ensuite de s’essayer à faire le pitre en ruminant des choses telles que « point d’entrée, foutu dehors, naja, rumba, turbo ! ». Envoyez-leur le résultat, peut-être que vous serez sélectionnés pour un featuring remarqué lors d’un de leurs prochains concerts.

Desicobra s’est un jour appelé Desi Onions et est actuellement un trio constitué de Francine (ex-bassiste de Warehouse (ex Warehouse 69 Project)) au clavier, d’Aurélie (ex-guitariste de School Bus Driver) à la basse et de Brian (ex-guitariste d’Allez Kikette, actuel batteur de Shub) à la batterie. Et, au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, c’est rudement bon.

* Black Cobra, Cobra Verde, Komandant Cobra, Triple Cobra, Cobra, Cobra Starship + 12 autres dont je ne dois pas connaître l’existence ; je croyais moi aussi qu’on pouvait démarquer.

** qui n’est absolument pas un live et qui a nullement été enregistré à Bombay, puisqu’en anglais ça fait déjà un bail qu’on dit Mumbai.

(9/10) {Bil} »

Discography :

  • « Live à Bombay » 10″ (Rejuvenation / Et Mon Cul C’est Du Tofu? / Self released) / April 2011
  • « Tactique Tactile » Digital album / October 2014

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